Le Rif, soupe de fèves et cannabis
Suite à ma randonnée dans la région du Toubkal, je m’étais juré de réitérer l’expérience. Je suis donc parti dans le nord du Maroc en quête d’aventure et de bonne bouffe.
Jour 1
Départ de Chefchaouen, entrée dans le parc Talassemtane et ascension du Jebel el-Kelaâ (1616m), qui surplombe la ville. En passant le col, j’entre dans un ensemble complexe de vallées et de villages reliés par de petites routes. Je m’arrête dans l’unique gîte d’Azilane, un minuscule village où le brouhaha de la ville n’a définitivement aucune emprise. J’y rencontre 4 marocains de Chefchaouen venus passer la nuit pour relaxer. Je devine qu’il s’agit aussi de fumer du kif loin de leurs femmes. Nous discutons autour d’un thé à la menthe pendant que la nuit tombe tranquillement. Pour souper, ils font mijoter des morceaux de mouton restant de l’eid el-Kebeer, le tout accompagné de salade marocaine et d’olives; manger avec ses doigts n’a jamais été aussi plaisant.
Jour 2
Après un déjeuner de champion, je pars pour rejoindre le village d’Akchour. Les sentiers sont si peu visibles que je réussis à me perdre malgré les indications données par le guide d’Azilane et les notes de mon Lonely Planet. Après presque 2 heures de recherche, je reviens sur mes traces pour emprunter une petite route qui me semble être une meilleure option. Au même moment, un villageois offre de me guider dans les sentiers en échange de quelques dirhams. Un peu de négociation et c’est parti. Nous repassons dans mes traces et, arrivés à un certain point, nous empruntons un embranchement que j’avais ignoré quelques heures plus tôt. Je continue seul à partir de ce point.
Tous semblent vivre, d’une manière ou d’une autre, du commerce de la drogue.
Un ruisseau coule au bas de la vallée et je le suis pendant un moment, m’arrêtant à l’occasion pour observer les jeunes plants de cannabis qui poussent un peu partout. Les habitants de la région sont connus pour faire l’agriculture de cette plante et son omniprésence est frappante. Tous semblent vivre, d’une manière ou d’une autre, du commerce de la drogue.
À titre d’information, le nord du Maroc produit environ 42% de la production mondiale de cannabis sur 1340 km2. On estime que 800 000 personnes travaillent dans l’industrie. Le Maroc est le deuxième producteur de cannabis au monde, derrière les États-Unis. La plupart des cargaisons sont envoyées vers l’Europe par bateau à partir de Martil, Oued Laou et Bou Ahmed. Conséquemment, la moitié des saisies de hashish dans le monde sont effectuées en Espagne.
L’autre spécialité du nord du Maroc est la soupe Bisara, un potage épais fait à partir de pois cassés, d’ail et de cumin sur lequel on ajoute un filet d’huile d’olive. De quoi remettre sur pied le randonneur que je suis.
Jour 3
À Akchour, je fais la rencontre de 3 amis, deux marocains et un français, avec lesquels j’entreprends la marche de retour vers Chefchaouen. Nous passons à travers les villages d’Ouslaf, Arhermane et El-Kelaâ. À plusieurs reprises, on entend des bruits sourds provenant de l’intérieur des maisons, comme si quelqu’un frappait une peau de mouton. Mes compatriotes m’apprennent que mon hypothèse est fausse et qu’il s’agit plutôt d’une méthode pour extraire le hashish de la plante.
Dans la pièce sont entassés de grands sacs contenant facilement plusieurs dizaines de kilo de la précieuse plante.
Curieux, nous nous approchons de l’une de ces maisons pour tenter d’apercevoir quelque chose. Après une discussion en arabe entre les occupants et un des marocains qui m’accompagne, nous entrons à l’intérieur. La scène est stupéfiante: 5 ou 6 enfants battent à intervalle régulier de grands tamis contenant le cannabis. La poudre recueillie sera par la suite compactée et utilisée dans la fabrication du hashish. Dans la pièce sont entassés de grands sacs contenant facilement plusieurs dizaines de kilo de la précieuse plante. Je réussis de justesse à capter la scène avec mon appareil photo avant qu’ils ne prennent peur et commencent à être inconfortables. Nous les remercions et continuons notre chemin en réalisant la chance que nous avons eu de pouvoir assister à ce phénomène.